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Histoires de mer

Episode 1: Qui sont les guanches?

     Petit retour sur l'histoire des Canaries, même si nous n'y sommes plus ( en deux épisodes).    

     On avait initialement prévu de faire une belle vidéo Youtube, qui aurait servi de galop d’essai sur ce type de sujet qui me passionne. In fine, le ralentissement de rythme que l’on a recherché dans les îles a été plus considérable que prévu et ni moi, ni Alain n’avons trouvé la motivation nécessaire, rongés que nous fûmes par la flemme tropicale.

     Par conséquent, pour me rattraper, je me dois quand même de remplacer notre premier chef d’oeuvre multimédia par un petit écrit. Je me doute que c’est moins visuel qu’une jolie vidéo, mais le fait qu’on ait loupé le train cette fois-ci ne garantit pas qu’on le loupera pour le restant de l’aventure.

     Commençons.

      Les Canaries sont les seules îles de l’Atlantique Nord à avoir été découvertes par les navigateurs de l’époque moderne et à avoir été déjà habitées. Par opposition aux Açores, Madère ou le Cap-Vert, qui elles étaient désertes lorsque les premiers européens y débarquèrent aux XVe et XVIe siècles.

     Chaque île des Canaries avait sa propre population indigène, dotée d’une organisation sociale et d’une culture propre. Et ces indigènes portaient le nom générique de “Guanches” (prononcez: gouanches). Et on retrouve leur trace en remontant assez loin dans l’Antiquité.

     Il faut voir qu’à l’époque, les Canaries avaient la réputation d’une semi-légende: Successivement lieux des Enfers chez Homère, séjour des morts, Champs-Elysées, îles dites, soit “Fortunées” ou des “Bienheureux” pour les Romains, leurs noms successifs contient en lui-même toute la part de mystère qu’on leur prêtaient, et pour cause: on les connaissait bien mal. Pline l’Ancien, savant romain du Ier siècle ap. JC, sans y être jamais allé, résume quelques écrits précédents et en parle brièvement dans sa compilation sur l’histoire du monde: Un chapelet d’îles, certaines pelées d’autres non, habitées par des femmes velues et des hommes courant très vite.

     1300 ans plus tard, les conquistadors ibériques lui donneront partiellement raison: les habitants ont souvent l’habitude de se couvrir de peaux de chèvres (ce qui peut les faire paraître velus), et d’utiliser un long bâton pour se propulser à travers le terrain rocailleux, ce qui leur donne un indéniable avantage de vitesse pour le déplacement.

     Mais revenons aux guanches. Si Pline en parle, c’est qu’à l’époque romaine, il y avait déjà du monde aux Canaries. Alors d’où venaient ces braves gens?

     Vaste question, qui aujourd’hui encore n’a pas trouvé de réponses définitives. S’ensuit une série d’hypothèses, dont la plus probable est la suivante:

     Les guanches sont des membres d’anciens groupes berbères vivant initialement dans l’Atlas occidental. A un moment donné (très probablement au 1er millénaire avant JC), ils ont traversé le bras de mer qui sépare l’Afrique des îles, et à partir de là ont essaimé sur les autres. Pourquoi un tel déplacement? Fut-il volontaire ou forcé? Se fit-il en une fois ou en plusieurs? Y eut-il une époque où les allées et venues entre les îles et le continent étaient régulières?

     Malheureusement l’archéologie ne semble pas encore prête à répondre à ces questions. Car aucun écrit historique guanche ne nous est parvenu, et aucun reste ne nous prouve que ceux-ci maîtrisaient la navigation océanique. Bien au contraire même!

     Lorsqu’au XVe et XVIe siècle arrivèrent les premiers Européens, ceux-ci furent surpris de l’apparente pauvreté de ce peuple marin en termes de navigation: peu d’embarcations, aucune en tout cas capable de tenir la haute mer et très peu de communication entre les îles. Certains mentionnent même que les guanches pensaient à un moment être les seuls sur Terre.

     Une autre hypothèse est venue nous chatouiller l’esprit lors d’une visite au musée de Fuerteventura. Fort récemment, sur la petite île de Los Lobos, devant Fuerteventura, ont été retrouvés de larges amoncellements de coquilles d’un petit gastéropode marin, le murex. Les analyses ont montré qu’à cet endroit, à l’époque romaine, ces petits animaux ont été exploités pour l’extraction du colorant pourpre dont les italiques étaient de francs consommateurs (à noter: je ne sais pas par quel processus on extrait un colorant d’un escargot, mais cela doit se passer sans l’accord de intéressé).

     Mention est faite que cette exploitation était confiée à des exilés ou des prisonniers, relégués dans ces îles pour les éloigner. Ils y auraient essaimé et seraient à l’origine des guanches.

     Mais il y a un hic à cette histoire.

     Nous connaissons à l’heure actuelle le patrimoine génétique des guanches: il est nord-africain. Si nos guanches avaient été des descendants de prisonniers romains, il y aurait eu des chances pour que ce patrimoine fût plus bigarré.

     De plus, si les Romains sont venus régulièrement à Fuerteventura à une certaine époque, ils n’y sont visiblement pas restés, car aucune trace de colonie ou d’établissement pérenne n’a été retrouvée. Et les écrits laissés par eux montrent tout au plus une connaissance assez sommaire de cette partie de l’Atlantique.

     Exit Rome. Retour aux Berbères. Alors, pourquoi être venus s’installer là?



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