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Histoires de mer

Le protecteur des Indiens

En y réfléchissant bien, notre objectif est et reste, pour l’instant, le même que celui de Christophe Colomb: traverser l’océan pour les Indes, et voir comment les choses s’y passent. Juste de la curiosité en somme. Et c’est en repensant à l’ « Almirante », notre illustre prédécesseur sur ces eaux, que je me suis demandé si, en creusant dans la carrière des archives humaines, il n’y aurait pas quelques auteurs délaissés à la pensée réactive qui jetterait un jour inattendu sur la période dite des « Grandes Découvertes ».

Je cherchais quelqu’un qui ne se contente pas que de dire les faits, mais qui les juge aussi. Sans compromission, un avis tranché et qui mette ses tripes dans ses lignes. Un original à rebours des avis de son époque, pour la faire courte: un disruptif.

Un vieux film m’est venu à l’esprit. Joué par Jean-Pierre Marielle dans sa vibrante plaidoirie en faveur des Indiens, jetant ses papiers et ses contradictions à la face du Vieux Monde rempli d’hypocrisie et de consensualités intéressées incarnées par Jean-Louis Trintignant, le personnage de Bartolomé de Las Casas m’est revenu à l’esprit.

Prêtre dominicain du début du XVIe siècle, il fait partie des premiers à s’élever contre les conditions de la colonisation des Amériques et son cortège de violences gratuites. Tout cela dûment relaté et catalogué dans un ouvrage qui ne sera édité que bien 300 ans après sa mort. L’ « Historia das Indias » rencontre le public hispanophone qu’au XIXe siècle, et ce n’est que depuis 2002 qu’elle est traduite en français. Je me la suis procurée. Voilà pour le contexte.

Récits de Bartolomé

Le témoignage est édifiant. Dans une époque où le carcan moralisateur devient lentement plus étroit, constater que le peuplement entier d’un continent par l’Occident relève du génocide pur, avec un niveau de brutalité qui n’a rien à envier aux épisodes du XXe siècle qui servent de maître étalon en la matière, je me dis qu’on ne peut ressentir que plus vivement l’évidence et l’énormité de ce crime oublié. La population d’un continent entier a été éradiquée sciemment pour faire place à une autre.

Et Las Casas relève la principale hypocrisie de l’entreprise: la transmission de la foi. Car c’était la motivation officielle, la recherche de l’or et des métaux précieux n’étant qu’un heureux effet collatéral, néanmoins bienvenu. L’Histoire a montré que le prétexte est rapidement tombé en arrière-plan.

Il s’interroge: considérant le christianisme comme bienveillant et ouvert vis-à-vis de tous, et chaque chrétien comme son ambassadeur, comment ces derniers peuvent-ils faire preuve d’autant de cupidité et de violence , l’une motivant l’autre? Peut-on être bestial à ce point et encore se dire catholique?

Et tout cela en gardant en tête que l’on s’installait à demeure chez des gens qui ne nous avaient pas forcément invités, et dont une grande partie a réagi avec une bienveillance exceptionnelle.

Malgré cela, exaltant leur sens pratique, les conquistadors ont facilité la tâche des missionnaires: tuer tout le monde aura facilité les efforts de conversion.

Je reviendrai plus loin sur ce récit, son auteur et ses motivations au cours de notre périple.

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